Que la diaspora vote et ait ses représentants au Parlement, prochaine bataille de Jerry Tardieu
La Salle des Mariages de la mairie de Paris du XVIIe est remplie ce mardi soir. Sur sa chaise roulante, le peintre Hervé Télémaque a fait le déplacement. On apporte encore et encore des chaises pour les retardataires qui, nombreux, finiront la soirée debout. L’ambassadeur d’Haïti en France, Vanessa Matignon, l’ambassadeur d’Haïti en France, celle qui nous représente à l’Unesco, Lilas Desquiron, ou encore Daniel Supplice, ambassadeur d’Haïti en Belgique, sont dans l’assistance quand le député Jerry Tardieu, accompagné de son épouse, fait son apparition dans la salle où l’assistance, composée en grande partie d’étudiants, de professionnels haïtiens à Paris et de Français intéressés à la question haïtienne, l’attendait
Ils sont venus écouter et faire part aussi de leurs préoccupations. Introduit par l’ancien journaliste Joël Dreyfuss, le député de Pétion-Ville a expliqué sa démarche de vouloir plaider la cause de la diaspora haïtienne. Une diaspora qui, rappelle Dreyffus, a transféré quelque 3 milliards de dollars en 2016 en Haïti. Une diaspora qui représente un Haïtien sur quatre dans le monde, qui expédie plus du tiers du PIB, soit autant que le budget de l’Etat haïtien vers sa famille et ses amis. Cette diaspora doit être mieux intégrée dans le processus de développement du pays et non continuer une relation « bay kòb, fèmen dyòl » (donner de l’argent et se taire), comme l’a souligné Joël Dreyffus de la communauté haïtienne. Pour le parlementaire, président au Parlement du groupe Amitié Haïti-France, ce n’est pas possible que cette diaspora soit exclue de la question politique haïtienne, dit-il d’entrée de jeu.
« Le premier sens de mon combat est de permettre aux Haïtiens de l’étranger de voter à la prochaine élection présidentielle. Il est inacceptable, voire inadmissible, que des Haïtiens, détenteurs de carte d’identification nationale, ne puissent voter aux élections. C’est à ce combat que je m’engage », a déclaré Jerry Tardieu dont l’une des grandes ambitions est de proposer un amendement de la Constitution pour que l’Haïtien de l’étranger soit représenté au Parlement. Mais, juste avant, il a plaidé pour des « Etats généraux de la nation » afin que les principaux problèmes soient posés avec l’appui du prochain président élu de la République. De vrais états généraux. Pas un moment de plus pour des discours, des palabres, mais pour dégager un vrai projet national pour les prochaines décennies, a plaidé Tardieu.
« L’actuelle Constitution ne permet pas de référendum, a rappelé le parlementaire.Il faut des états généraux», a poursuivi M. Tardieu, soulignant que la Constitution de 1987 amendée dit une chose alors que la loi de 1984 dit le contraire en ce qui concerne la double nationalité. Une vraie contradiction. Des freins, reconnaît-il, qui empêchent une intégration complète de la diaspora. C’est en ce sens que le parlementaire a déjà déposé un projet de loi pour harmoniser Constitution et législation. Il demande l’appui des associations de la diaspora pour supporter cet instrument légal.
Pour des membres de la communauté haïtienne à Paris, leur souhait est de voir la démocratie se porter mieux, que les Haïtiens s’intéressent plus aux affaires politiques. Pour que ce ne soit pas la diaspora qui désignera le prochain président de la République quand on sait que le probable futur président de la République, Jovenel Moïse, a récolté moins de 600 000 voix alors qu’il y a théoriquement environ quatre millions d’électeurs… Jerry Tardieu ne s’en soucie pas. Il veut que la diaspora vote et souhaite même qu’elle ait ses propres représentants au Parlement. Le député de Pétion-Ville promet un projet de loi sur la situation des apatrides, les personnes nées de parents haïtiens en République dominicaine qui ont été expulsées en Haïti.
Le parlementaire a-t-il déjà l’appui d’une majorité au Parlement ? Comment arrivera-t-il à atteindre ses objectifs ? Ces questions ont été posées. « Si je suis seul, je vais échouer. Le travail est long et ne sera pas facile », a répondu Jerry Tardieu, qui sollicite l’appui de la communauté, que ce soit à travers des associations, des lobbys…
Contrairement à d’autres compatriotes qui n’ont pas eu la chance de prendre la parole, un jeune homme, fraîchement entré en France pour ses études, a soulevé le problème de manque d’efficacité des services dans les ambassades ou les consultants pour délivrer des documents. Des sujets qui n’étaient pas dans l’agenda mais qui ont rappelé qu’il y avait des problèmes élémentaires à résoudre avant de passer aux grands dossiers.
Josette B. Thomas, professeur d’université, membre du mouvement Haïti-Futur, a, quant à elle, exprimé des réserves sur la démarche de Jerry Tardieu. « J’ai failli ne pas venir à cette activité, j’ai tellement entendu de discours pendant au moins 50 ans… Il faut d’abord passer de la déshumanisation à l’humanisation des Haïtiens avant de parler d’intégration », a avancé, l’air révolté, Josette B. Thomas, qui a vu des images inhumaines en Haïti pendant le passage de Matthew qu’elle a vécu dans la région de Roche-à-Bateaux. A chacun ses préoccupations.
Après la conférence, qui s’est terminée en présence du président de l’association d’amitié France-Haïti à l’Assemblée nationale française, le député Mathieu Hanotin, les échanges entre le député Tardieu et les membres de la communauté haïtienne de France se sont poursuivis fort tard dans la nuit. Jerry Tardieu a promis de continuer son combat spécifique pour la diaspora et de revenir en France aussi souvent que possible.